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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Ainsi se dégradent les arts, dans l’abaissement de fortune et l’avilissement de cœur que souffrent les peuples. Ce n’était pas l’implacable Antipater, voulant se faire livrer Démosthène réfugié au temple de Neptune, et ne s’emparant que de son cadavre glacé par le poison, ce n’était pas le fils d’Antipater, roi survivant de Macédoine, dans la maison déserte d’Alexandre, qui pouvait entretenir les arts de l’esprit dans la Grèce. Et cette protection du pouvoir, si souvent oppressive et rapetissante, ne fut jamais plus inquiète et plus farouche que sous ces princes indignement parvenus. C’est alors que périt l’orateur athénien Démade, comme un instrument de liberté, moins noble et moins pur, qu’on brise et qu’on jette en morceaux, après s’en être servi, pour la calomnier elle-même.

Toutefois, à part l’interrègne élégant de Démétrius de Phalère, terminé par la licencieuse apothéose de son homonyme, la Grèce, avec sa colonie indépendante de Sicile, ses villes asservies du Péloponèse, son émigration conquérante en Asie, ses royautés de Macédoine, d’Alexandrie, de Séleucie, demeurait, au milieu des crimes de cour qui composent la sanglante et monotone histoire des successeurs d’Alexandre, le pays des sciences et des lettres, l’école et le modèle du monde.

Plus quelques-uns de ses monuments poétiques avaient été liés à la liberté de ses villes, à leurs fêtes religieuses, à leur ancien héroïsme, plus ils restaient

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