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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

même pour les dieux, autre emploi plus grand que de célébrer, en esprit de justice, la loi générale du monde. »

Cette élévation vous semble-t-elle abstraite et froide ? Supportez, si vous le pouvez, ce qu’à côté de ce langage balbutiait la tradition païenne aggravée par la servitude.

Athènes, qui ne pouvait cesser d’être la ville des arts, Athènes, qu’Alexandre avait ménagée comme le théâtre où se donnaient les couronnes de la renommée, n’était plus que suspecte et tremblante sous les soldats macédoniens, devenus rois tour à tour, après le conquérant de l’Asie. Tous ces hommes ne furent pas des tyrans féroces, comme le fils d’Antipater, Cassandre, meurtrier d’Olympias ; mais tous avilirent Athènes par les hommages qu’ils en recevaient. Après quelques années d’une soumission assez douce et d’un loisir encore illustré par les arts, sous la domination de Démétrius de Phalère, ce Périclès dégénéré comme le peuple qu’il gouvernait, Athènes, en se croyant délivrée, tomba dans les dernières bassesses de la servitude. Elle se prostitua plus qu’elle ne se soumit à Démétrius Poliorcète, saluant l’entrée triomphale de ce nouveau maître par une servile cantate postérieure de quelques années à l’hymne religieux de Cléanthe. Cette fois la philosophique Athènes est redevenue tout idolâtre. Seulement, au souvenir de la bonne déesse, Déméter ou Cérès, elle associe par un jeu de mots puéril l’apothéose du fils d’Antigone, dont elle subit avec joie la protection et les débauches.