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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

le pontife, dans l’éloge de la princesse Palatine et dans le récit des guerres sauvages de Pologne, ou le poëte, dans sa joie triomphante de Marathon et de la fuite des Perses aux arcs recourbés ? Ce n’est pas seulement le même cri de guerre, le même accent d’une âme belliqueuse ; le vêtement et comme l’armure a passé d’un monde à l’autre.

Et, dans un autre ordre de pensées tout contemplatif, tout spirituel, est-ce Bossuet, est-ce Pindare qui a dit : « Êtres éphémères, qui existe ? qui n’existe pas ? l’homme, rêve d’une ombre[1] ! » Puis, dans un retour aux mouvements impétueux de la vie, est-ce Pindare, est-ce Bossuet, qui, frappé du sillon d’éclair de l’aigle, que sa pensée a tant de fois suivi dans les cieux, dit d’un guerrier qu’il admire : « Comme une aigle qu’on voit toujours, soit qu’elle vole au milieu des airs, soit qu’elle se pose sur quelque rocher, porter de tous côtés ses regards perçants et tomber si sûrement sur sa proie qu’on ne peut éviter ses ongles non plus que ses yeux ; aussi vifs étoient les regards, aussi vite et impétueuse étoit l’attaque, aussi fortes et inévitables étoient les mains du prince de Condé. » Un seul mot vient ici littéralement de Pindare, et avant lui, d’Homère : χεῖρας ἀφύκτους. Mais l’image entière, le tableau appartient à l’ordre de leur génie ; et c’est leur voix qu’on entend dans ces paroles de Bossuet.

  1. Ἐπάμεροι· τί δέ τις ; τί δ’ οὕτις ;
    Σκιᾶς ὄναρ ἄνθρωπος.
    Pind., ed. Boiss. Pyth., VIII, p. 157.