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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

où, parmi les ondes du fleuve qui leur a donné le jour, les sœurs attendries de Phaéthon versent en brillante rosée l’ambre de leurs larmes ; j’irais jusqu’au fertile rivage des chanteuses hespérides, où le dominateur de la mer empourprée n’accorde plus passage aux matelots, les arrêtant à la limite du ciel, que soutient Atlas. Ô nef de Crète, à la blanche voilure, qui, traversant les flots bruyants de la mer, amenas ma souveraine de son fortuné palais aux plaisirs d’un funeste hymen ! car, de ces deux régions, ou de la Crète du moins, elle a volé, fatal oiseau, vers l’illustre Athènes. Au rivage de Munychium furent attachés les câbles, pour descendre ; et dès lors, sous le coup d’impures amours, elle a été frappée dans l’âme de la terrible maladie d’Aphrodite ; et, soumise à un cruel malheur, elle attachera elle-même aux voûtes nuptiales le cordon fatal qui va serrer son cou d’albâtre, par effroi de l’implacable déesse, par désir jaloux de bonne renommée, et pour écarter de son âme les peines de l’amour. »

Sous les détours, et comme sous les plis onduleux de cette poésie, le dénouement même prédit ne semble-t-il pas se voiler à demi, avec cet art suprême des Grecs de ne pas épuiser l’horreur et de garder toujours la dignité et presque la grâce austère dans la douleur ?

À combien de touchantes peintures ou de courageuses leçons cet art se reconnaît, dans les Chœurs d’Euripide, dans l’Andromaque, dans les deux Iphi-