Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

pareillement, s’il fait des gains injustes, s’il entreprend des œuvres impies, s’il profane les choses sacrées !

Quel homme, ainsi coupable, se flatte d’écarter de son âme les traits de la colère divine ? Si de tels actes sont honorés, faut-il encore mener des Chœurs ? Non, je n’irai plus porter mon offrande au centre sacré de la terre, ni au temple d’Abis, ni à Olympie, si la vérité de ces choses ne se fait pas toucher du doigt à tous les mortels. Mais, ô maître souverain ! si tu es justement nommé, ô Jupiter ! le roi de toutes choses, que ceci n’échappe pas à tes regards et à ton éternel empire ! Les oracles stériles de Laïus sont une cause de ruine. Apollon ne se reconnaît plus à ses honneurs : les Dieux s’en vont. »

Cette invocation devant le peuple d’Athènes, cet appel à l’éternité de la loi morale, cette demande aux Dieux de manifester leur justice, n’était-ce pas l’hymne sacré dans toute sa puissance, transporté sur le théâtre et y continuant l’instruction commencée dans les temples ? Mais l’œuvre conservée de Sophocle où le caractère religieux du chœur paraît avec le plus de majesté, c’est le second Œdipe, Œdipe à Colone.

Je ne chercherai pas, en ce moment, quel âge avait Sophocle, quand il fit cette pièce, et, qu’accusé de folie par ses fils, il récita, pour toute réponse, le commencement du Chœur des vieillards de Colone[1] : « Ô

  1. Sophocl. Œdip. Colon. p. 124.