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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

veuve et du jeune enfant d’Ajax, le Chœur les protége de sa plainte, tandis que l’enfant lui-même garde le corps de son père.

« Quelle sera[1] la dernière de ces laborieuses années qui m’apportent sans cesse la malédiction des combats, sous cette Troie aux larges portes, fatale honte des Hellènes ? Oh ! que ne s’est-il plutôt abîmé dans le vide des airs, ou dans le vaste sein d’Adès, l’homme qui fit connaître à tous les Grecs Mars aux armes affreuses ! Ô souffrances, prémices de souffrances ! Celui-là porta la ruine chez les hommes ; celui-là ne m’a laissé le plaisir ni de me couronner de fleurs, ni de savourer la coupe profonde, ni de prolonger la douce harmonie des flûtes et les joies de la nuit. Il a chassé les amours, hélas ! Auparavant, contre les alarmes de la nuit et les traits lancés j’avais un rempart, l’impétueux Ajax ; maintenant, il a été donné en proie à un funeste démon. Quel plaisir désormais peut se rencontrer pour moi ? Puissé-je être aux bords où, chargé de forêts, le promontoire battu des flots domine la mer agitée sous la crête élevée de Sunium ! Et puisse, de là, notre voix saluer les murs sacrés d’Athènes ! »

Ainsi, la pensée morale du poëte, le vœu de la paix, l’horreur de la guerre, l’amour de la patrie se fait jour, à travers les crises sanglantes du drame ; et l’éclat du

  1. Sophocl. Aj. p. 27.