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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

présents ou par amitié, les triomphes dans les jeux sacrés de la Grèce. Eh bien ! malgré toutes ces oppositions de fortune et de pensée, un trait dominant, le style, cette physionomie de l’âme, rapproche tellement ces deux hommes qu’une page de l’évêque de Meaux est le plus fidèle crayon du poëte olympique, et que la prose française de Bossuet, quand il est sublime, est ce qui ressemble le plus à la poésie grecque de Pindare.

Plus d’une cause explique cette conformité singulière ; mais la première est dans ce fonds religieux et lyrique qui formait l’imagination du grand orateur et qu’avait nourri son ardente étude des livres saints, sa fréquentation solitaire du Liban et du Carmel. Dès l’enfance il est enthousiaste des psaumes de David, dont saint Jérôme avait dit[1] : « C’est notre Simonide, notre Pindare, notre Alcée ; c’est aussi Horace, Catulle et Sérénus. Il sonne sur la lyre le nom du Christ ; et, aux accents de son luth à dix cordes, il fait lever de l’enfer les ressuscités. »

Interprète passionné des autres chants de victoire ou de deuil semés dans les livres saints, pieusement charmé du Cantique des cantiques, où il ne voit que l’idéal d’un mystique amour, tout en le comparant pour les images et la poésie au brûlant épithalame de Théo-

  1. David Simonides noster, Pindarus et Alcæus, Flaccus quoque, Catullus atque Serenus ; Christum lyrà personat, et in decachordo psalterio, ab inferis excitat résurgentes. (Hieron. Paulino, Bibl. Sac, t. I, p. 510.)