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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

soleil levant. » Alors commence et se précipite à torrent une nouvelle prédiction de la captive sur Agamemnon, sur Clytemnestre, sur Oreste et sur elle-même. On reste muet d’admiration, à ce mélange de merveilleux délire et de pathétique, devant ce personnage demi-surnaturel de Cassandre, et devant la pitié, la crainte tout humaine, exprimées par les femmes grecques qui l’entendent. Rien ne reproduit plus fortement l’ode en action, le mélange de l’oracle et du drame, du délire religieux et des passions humaines. Rien ne montre mieux l’horizon poétique ouvert de toutes parts au poëte thébain, et les feux de génie qui sillonnaient le ciel de la Grèce.

L’ode, avec sa magnificence, l’ode, planant sur Olympie, sur Cirrha, sur Cyrène, l’ode, chantée et représentée sous les portiques du temple de Delphes ou du palais de Syracuse n’était qu’un fragment du spectacle lyrique d’Athènes, un rayon de cette splendide lumière. Mais l’ode était partout ; elle éclatait, à chaque nom célèbre couronné dans les jeux guerriers de la Grèce ; elle allait du continent aux îles, de Corinthe à Rhodes, de Syracuse à Lesbos : et, quand elle était tenue haute par le génie du poëte, en tout lieu retentissante, elle excitait sans cesse cette ardeur des âmes, cet amour de la vertu et de la gloire, cet enthousiasme de l’imagination, que deux fois dans l’année seulement, aux fêtes de Bacchus et de Minerve, le théâtre d’Athènes secouait sur la Grèce.