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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

auxiliaire de la mort. Ô chœur ! poussez sur cette race d’inépuisables gémissemeuts, pour un si coupable sacrifice. »

Gagné par la contagion de cette prophétique fureur, le chœur à son tour s’écrie :

« Quelle furie m’ordonnes-tu d’évoquer dans cette maison ! J’ai senti remonter à mon cœur cette effluve rougeâtre qui, dégouttant jusqu’à terre le long du fil de la lance, emporte avec elle le rayon de la vie qui s’éteint. Mais le supplice vengeur est prompt.

Cassandre.

Ah ! ah ! la voici ! Écarte de la vache le taureau furieux. Enveloppée dans des voiles, elle le frappe perfidement d’une corne noirâtre ; il tombe dans le bassin rempli d’eau. Je te révèle ce bain homicide. »

À cette vision de mort se mêle tout à coup un retour de poésie, un ravissant souvenir de Troie, dans la bouche de Cassandre : « Ô noces de Paris, fatales à ses amis ! ô fleuve paternel du Scamandre ! alors, sur tes rivages, infortunée, je grandissais nourrie par tes eaux. Maintenant, je pense aller bientôt prophétiser aux bords du Cocyte et de l’Achéron. »

Puis, excité par les reproches du chœur, que troublent ces paroles, le délire mélancolique de Cassandre devient plus expressif encore : « Déjà, dit-elle, la prophétie ne regarde plus, à travers les voiles, comme une jeune fiancée : mais elle se découvre tout éclatante et pressée de paraître à la pleine lumière du