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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

cette scène, c’est Clytemnestre elle-même qui introduit Cassandre à la fête lustrale préparée dans le palais d’Agamemnon, et bientôt ensanglantée par sa mort.

Le silence et l’immobilité de la captive, devant les ordres réitérés de la reine, la pitié du chœur pour cette étrangère qui lui paraît une bête sauvage récemment prise aux filets, ce n’est là qu’un prélude à l’incomparable scène où la prophétesse effarée voit et dénonce, sur le lieu même et à quelques heures de distance, le crime près de s’accomplir :

le chœur.

« J’ai pitié de toi et n’aurai pas de colère[1]. Viens, ô infortunée ! et, descendue de ce char, cédant à la nécessité, fais l’apprentissage de la servitude.

Cassandre.

Hélas ! hélas ! ô terre ! ô Apollon, Apollon !

le chœur.

Pourquoi, as-tu poussé ces cris, au nom du dieu ? Il n’est pas là pour entendre tes gémissements.

Cassandre.

« Hélas ! hélas ! ô terre ! ô Apollon, Apollon !

le chœur.

Avec de funestes paroles, elle appelle le dieu qui ne veut pas l’entendre.

Cassandre.

Apollon ! Apollon ! dieu des chemins publics, au-

  1. Æschyl. Agamemn. p. 93.