quelques restes mutilés des pièces perdues d’Eschyle, comme à des Cénotaphes du génie grec, ne suffit-il pas des drames conservés du poëte, pour nous émerveiller de sa puissance lyrique ? À part même les Perses, quels accents religieux, quels dithyrambes guerriers ne remplissent pas les autres drames d’Eschyle ! L’Agamemnon tout entier est un hymne triomphal et funèbre. La poésie lyrique en fait l’ensemble et la forme ; l’enthousiasme prophétique en est l’âme et le merveilleux.
Dans la combinaison dramatique et jusque dans les mètres de cette œuvre, on peut remarquer un caractère particulier, au delà des formes de la tragédie accoutumée. Le vers ïambique s’y trouve rarement, et n’appartient guère qu’au langage simple du gardien qui veille sur les signaux de la tour, et au langage froid et bref des deux époux ennemis qui s’observent. Autour d’eux, en dehors de leur défiant et sinistre langage, tout, dans l’expression et dans le rhythme, est entraîné, interrompu, coupé, comme la joie et la douleur. Cassandre représente à elle seule le chœur des captives. Et on ne saurait, je crois, imaginer un plus grand effet de poésie lyrique et tragique à la fois, que la rencontre de cette prophétesse solitaire, portant le deuil de sa famille et de son peuple, avec la foule triomphante des femmes de la maison grecque et royale, où sa présence amène la jalousie et la mort. Et, pour que rien ne manque à la terreur de