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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

épique des vieux temps s’était tenu plus près de la sévérité future du drame que ne le faisait le premier grand inventeur tragique. La perfection du dialogue dramatique est en effet toute entière dans l’Iliade, dans les discours du premier livre, dans l’Ambassade du neuvième.

Au théâtre d’Athènes, toute une pompe lyrique venait surcharger et embellir pour la foule la grandeur même d’Homère, non sans l’altérer quelquefois. Ainsi, dans la tragédie des Phrygiens, une belle conception d’Homère, l’isolement de Priam au milieu du camp des Grecs, son tête-à-tête avec Achille, pour racheter des mains du vainqueur le corps même d’Hector, était remplacé par la présence d’un chœur de Troyens suivants du vieux roi, ou déjà captifs de ses ennemis : la conjecture des savants a varié sur ce point. Mais, quel que fût l’effet du spectacle, ici l’éclat lyrique nuisait à la grandeur du drame, si pathétique entre deux personnages.

Il est, au contraire, d’autres sujets où la puissance de la musique et du chant devait singulièrement rehausser l’action théâtrale et soutenir les âmes dans cette région mystique favorable à la poésie. Telle était la Trilogie de Prométhée, dont il ne nous est parvenu que le Prométhée enchaîné, le temps nous ayant ravi le commencement et la fin de ce cycle tragique, le Prométhée porte-flamme, et le Prométhée délivré.