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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

le chœur.

La terre d’Asie, ô roi, demeure sous ce coup désastreux tristement agenouillée.

Xercès.

Malheur à moi ! hélas ! hélas ! sujet de larmes à la nation, je suis né pour le mal de la patrie… »

Et ces cris de détresse, ces échos de mutuelles douleurs, se continuent, s’entrechoquent, durant une longue scène. La monotonie du drame en fait ici le pathétique. La défaite des Perses, cette défaite trop voisine et trop sanglante pour la perspective du théâtre, prend une sorte de grandeur fatale et mystérieuse, en apparaissant au loin dans Suse. Là s’applique le mot si juste de Racine : « Ce qui se passe à deux mille lieues de nous semble presque se passer à deux mille ans. »

Tel dut être pour l’imagination de la Grèce ce lendemain de sa victoire, contemplé dans le deuil même de ses ennemis, au delà des mers, au milieu de leurs villes dépeuplées et de leurs palais tremblants. Ce jour-là, dans les fêtes d’Athènes, le génie de la liberté et de la poésie jetait, un siècle d’avance, les fondements de la grandeur d’Alexandre et commençait la conquête de l’Orient. Quelle devait être sur les peuples de la Grèce accourus aux pompes sacrées d’Athènes la puissance de ces hymnes de gloire et de ces plaintes funèbres, apothéose et prophétie de la destinée diverse de deux mondes, du monde civi-