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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

thon, qu’il n’avait enfin sur son insensé successeur que l’avantage d’un moindre désastre, quel devait être pour l’orgueil tout récent des vainqueurs de Salamine et de Mycale l’effet magique de cette conjuration dernière proférée par le désespoir de leurs ennemis vaincus !

Jamais fête de l’imagination et de la gloire ne dut être plus éclatante. Il ne manquait plus à l’action lyrique et dramatique d’un tel spectacle que le retour même de Xercès ; et le voilà bientôt qui, lui-même vivant, apparaît avec un carquois vide. Il vient, pour ainsi dire, faire sa partie dans ce chœur funèbre de son empire ; et il s’associe par la forme et par l’accent de ses paroles aux lamentations dont il est accueilli. Rien de plus terrible que cette contagion de deux douleurs s’accroissant l’une l’autre et formant la scène finale de la tragédie des Perses :

« Hélas, ô roi[1] ! ô vaillante armée ! splendeur de l’empire persan, gloire des guerriers, grandeur qu’a moissonnée le dieu ! La terre pleure la jeunesse née « de son sein, et qu’a tuée Xercès, pourvoyeur de l’abîme, tant de guerriers serrés en bataillons, fleur de la patrie, formidables archers ! Toute une nombreuse génération d’hommes a péri.

Xercès.

Hélas ! hélas ! malheureuse armée !

  1. Æschyl. Pers., p. 68.