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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

barbares, discords, lamentables, confus ? Je crierai ces douloureux malheurs… M’entend-il du fond de l’abîme ?…

Dieu du sombre Adès, dieu conducteur, renvoie à la lumière Darius ! Quel roi que ce Darius ! celui-là ne perdit pas les hommes dans le désastre d’une guerre meurtrière ; et il fut nommé par les Perses le confident des dieux ; et il était lui-même bien conseillé par les dieux, puisqu’il conduisait heureusement notre armée. — Ô seigneur antique, ô Baal ! viens, avance, montre à l’extrémité de la tombe la semelle empourprée de tes pieds ; et dévoilant l’éclat de ta royale tiare, viens, ô père, ô tutélaire Darius, afin d’entendre nos nouveaux, nos derniers malheurs ; et apparais-nous comme le maître du monde. Hélas ! du Styx une sombre vapeur s’est répandue sur nous. Notre jeunesse a péri toute entière. Viens, ô père, ô Darius sauveur ! ô toi qui mourus tant pleuré de tes amis ! comment ces fautes renouvelées, ces fautes contre la patrie pourront-elles finir ? Nos trirèmes ont péri ; nos vaisseaux ne sont plus. »

Le merveilleux d’une telle apparition était le triomphe du chant lyrique. C’était, avec des proportions plus grandes, la pythonisse d’Endor faisant lever l’ombre de Samuel. Mais, si on pense que ce Darius invoqué par les Perses, que ce protecteur cherché dans le tombeau n’avait pu lui-même entamer la Grèce, qu’il avait vu l’élite de ses soldats dispersée à Mara-