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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Fantassins et soldats de mer, les navires aux ailes noires les avaient amenés, hélas ! et les navires les ont perdus, les navires fatalement heurtés l’un contre l’autre. Échappé aux mains des Ioniens, à peine le roi lui-même, comme nous l’avons appris, a-t-il fui à travers les plaines de la Thrace et ses routes funestes ? »

Que pouvait-il s’ajouter à ce chant de douleur, à ce témoignage des vaincus ? le drame dans l’ode, l’évocation des mânes de Darius, à la voix de son peuple et au nom de sa veuve en pleurs. Rien de plus beau que cette puissante prière, qui fait apparaître l’ombre de Darius dans le palais désolé de son fils :

« Ô femme royale[1], dit le chœur, vénérable aux Perses, envoie tes offrandes dans les demeures souterraines : et nous, nous allons demander, dans nos hymnes, la faveur des Dieux qui sont les conducteurs des défunts sous la terre !

Ô vous ! chastes divinités des lieux souterrains, Terre et Mercure, et toi, roi des enfers, envoyez d’en bas cette âme à la lumière ! car, si elle connaît quelque chose de plus dans nos malheurs, seule elle nous en dira le terme pour les mortels.

M’entend-il ce roi, dans sa béatitude et dans son sort égal aux dieux ? M’entend-il poussant des sons

  1. Æschyl. Pers., p. 62.