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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

vaincus, ce tribut de douleur et d’effroi ? C’est, avec plus de grandeur, et dans toutes les magnificences de l’Orient, le désespoir de la mère de Sisara, telle que la montrent les versets de la Bible, alors qu’elle épie la poussière de la route et le bruit des cavaliers, attendant le retour de son fils.

Vieillie dans la pompe et l’oisive majesté de la cour, Atossa ne prévoit rien des maux qui vont l’accabler ; et son ignorance fait frémir, à la pensée d’Athènes, sur laquelle cette reine interroge les esclaves qui l’entourent. Ô peuple antique d’Athènes, tant loué par vous-même et par tous les peuples, élite ingénieuse du monde, avez-vous jamais senti plus grande ivresse que le jour où, dans votre ville reconquise par vos matelots, en face de vos temples conservés en ruines et tout noircis encore des feux allumés pour les détruire, vous vous pressiez à la grande fête de la destruction des Perses étalée en drame sur votre théâtre, et vous entendiez retentir, comme l’hymne de votre délivrance, ces cris de douleur de l’Asie vaincue ?

« Ô mes amis[1], dit la reine troublée, au lever du jour, par les songes funestes de sa nuit, « cette Athènes, en quel lieu de la terre dit-on qu’elle soit placée ?

le chœur.

Au loin, vers le couchant, sous les derniers feux du soleil-roi.

  1. Æschyl. Pers., p. 54, 55 et seq.