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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

des Perses s’écria : « Malheur, malheur, ô Mardonius ! contre quels hommes nous avais-tu menés combattre, des hommes qui luttent ensemble, non pour des richesses, mais pour la vertu ! » Ces paroles, qui rappelaient un ancien désastre, en même temps qu’elles en assignaient la cause, en disent assez sur les jeux de la Grèce.

L’effroi qu’avaient laissé aux vainqueurs par le nombre l’audace et la mort de Léonidas, s’accrut encore de cette magnanime attente du reste des Hellènes.

On le sait, cependant : à cette seconde invasion des Perses, Thèbes déserta la cause de la Grèce ; et la trahison d’un Thébain avait indiqué, dit-on, le passage par où furent livrés Léonidas, ses trois cents Spartiates et les Béotiens de Thespies. Le poëte de Thèbes eut à supporter cette douleur, dans la joie publique de la victoire qui suivit bientôt l’immortelle défaite des Thermopyles. Lui qui avait dit, sans doute dans une meilleure espérance : « Ô Thèbes, ô ma mère, il n’est pas de travail que je n’abandonne pour te célébrer ! » il devait maintenant se taire, ou gémir sur elle. Désormais, quelle que soit la gloire des Hellènes, quelles que soient les allusions qu’il y fait encore, on sent comme une sorte de réserve et une pudeur douloureuse mêlées à l’enthousiasme dont il est saisi. C’est, je crois, un des plus beaux traits qu’il soit possible d’enlever à cette sublime poésie, et de rendre sensible et vivant pour nous, en le détachant de l’ode sur la victoire athlétique