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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

libres, n’épargnant ni le vice ni la vertu, et promenant de Paros à Corinthe son fouet injurieux. C’était, nous l’avons dit, cette satire effrénée d’Archiloque, ce dithyrambe de la haine, qui souvent portait une sorte d’enthousiasme dans les passions mauvaises, l’orgueil, la convoitise, l’envie ; pouvoir odieux, mais plus faible que la liberté, le talent et la vertu réunis. Cette renommée d’Archiloque, alors toute vive et toute sanglante, pour ainsi dire, ne pouvait tenter l’âme élevée du poëte thébain. Une fois, nous l’avons vu, il avait rappelé et enlacé dans un de ses hymnes deux vers de ce poëte ; mais ailleurs il maudit, il abhorre les exemples de ce génie plus habile à diffamer les hommes qu’à chanter les Dieux. « Pour moi, dit-il[1], ma loi est de m’abstenir de ces âpres morsures, de ces médisantes paroles. J’ai vu, quoique de bien loin, dans les angoisses du désespoir, l’outrageux Archiloque engraissé du profit de ses haines calomnieuses. Le meilleur, c’est la richesse unie à la modération. »

En dehors de cette poésie funeste à ses auteurs, bien d’autres formes restaient au génie de Pindare et se liaient à la pompe des rites religieux, à l’éducation belliqueuse des cités libres du Péloponèse, aux magnificences des rois de Sicile : Pindare les cultiva toutes, sans approcher du théâtre, cette couronne privilégiée d’Athènes. Panégyriste des rois de Sicile près

  1. Pind. ed. Boiss. Pyth. II, p. 105.