Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

thon. C’est là que, plus tard, pour chorége d’un drame donné parle poëte Phrynicus, elle avait eu Thémistocle. C’est là que, spectacle majestueux, desservi par tous les talents à la fois, spectacle pathétique, répondant à toutes les passions du cœur et épuisant toutes les misères de la vie, et aussi spectacle rare, extraordinaire, elle appelait, à quelques grands jours seulement, un effort de génie toujours nouveau, et, dans le peuple, une ardeur d’admiration que la satiété n’émoussait pas. C’est à ce prix que, l’année même de Salamine, après d’autres succès d’Eschyle, elle avait atteint, dans le drame des Perses, cette élévation que devait soutenir et tempérer le majestueux Sophocle, et qui n’a pas été surpassée dans la suite des siècles, non plus que la grandeur de la statuaire antique.

Mais plus le théâtre d’Athènes, bâti non loin de sa tribune, était naturellement inspiré, moins il laissait place à l’émulation des autres cités de la Grèce. Cette gloire dramatique d’Athènes, suscitée du milieu de sa gloire guerrière et libératrice, était si bien le propre domaine de la cité de Minerve que, parmi les citoyens des autres villes de la Grèce, nul, pendant plus d’un siècle, ne s’avisa d’y prétendre. La palme théâtrale disputée dans les Dionysiaques et dans les Panathénées semblait une distinction toute athénienne, privilége de pays et presque de famille. Par une singularité dont il n’existe pas d’exemple ailleurs, les premiers poëtes tragiques, Phrynicus, Eschyle, Sophocle, eurent pour