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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Pausanias, dans une de ses revues de la statuaire grecque, remarque sous un portique d’Athènes, tout près de Xanthippe, un des glorieux combattants de Mycale, Anacréon de Téos, le premier qui, après Sapho, dit-il, ait fait sur l’amour le plus grand nombre de ses vers. Son attitude, ajoute-t-il, est celle d’un homme qui chante dans l’ivresse. Voilà bien de quoi laisser à l’ancien Anacréon quelques petites pièces du recueil posthume : il en est digne, s’il ne les a pas faites.

Nul doute cependant qu’il n’ait fait aussi des hymnes, ce qui suffit pour expliquer l’épithète de « sérieuses et graves » donnée par Julien à quelques œuvres du poëte de Téos. Il ne dérogeait pas sans doute à sa licence habituelle, lorsqu’il chantait les orgies de Bacchus. Mais il se conserve encore de lui le début d’un hymne à Diane, moins gracieux que les vers d’Euripide, mais d’un ton chaste et noble :

« Je suis à tes genoux, puissante chasseresse, blonde fille de Jupiter, Artémis, reine des hôtes sauvages des forêts, soit que maintenant, près des flots tourbillonnants du Léthé, tu regardes avec joie la ville habitée par des hommes aux cœurs courageux ; car tu n’es pas la bergère d’un peuple féroce, soit que… »

Le goût peut se plaire à recueillir ces moulures tombées des fresques antiques du véritable Anacréon, et à les comparer aux ornements et aux grâces du recueil moderne. Il peut aussi admirer çà et là dans