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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

pereur Julien[1], désignait Anacréon comme ayant fait beaucoup de poésies, les unes sérieuses et graves, les autres agréables et riantes ; et il le nommait à côté d’Alcée et d’Archiloque, avec la seule différence de sa vie prospère et voluptueuse aux rudes épreuves, aux passions violentes ressenties par les deux poëtes de Lesbos et de Paros.

On remarque encore que les seuls chants d’Anacréon parvenus jusqu’à nous n’ont été nulle part imités par Horace, ce qui laisse douter si ce sont les mêmes qu’on connaissait à Rome, et si nous n’avons pas seulement l’œuvre d’une époque plus récente, et la tradition affaiblie plutôt que l’inspiration du vieillard de Téos. Enfin, à l’appui de ce doute, on rappelle quelques strophes, quelques images vraiment d’Anacréon, citées par d’anciens auteurs, et d’un tour bien autrement poétique et hardi que le recueil d’Henri Estienne, placé par Voltaire au-dessous des madrigaux et des chansons du marquis de Saint-Aulaire.

N’exagérons rien, cependant. Peut-être n’avons-nous d’Anacréon que ses poésies les plus durables, parce qu’elles étaient les plus vulgaires ; peut-être ont-elles été mêlées, dans les âges suivants, de quelques copies inférieures au modèle. Mais il ne semble pas que ce modèle ait été lui-même beaucoup plus qu’un poëte buveur et frivole jusque dans la vieillesse.

  1. Jul. Imp. Misop., p. 28.