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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

pour la réflexion. Écarte le témoignage des sens. Juge par l’esprit ce qu’il y a de manifeste en chaque chose. »

Sublime par le ton, enthousiaste par la doctrine, cette poésie d’Empédocle, tout en peignant avec force la misère de l’homme, n’a rien du triste découragement de Lucrèce ; elle aspire à Dieu, comme Lucrèce aspire au néant. Un peu enveloppée de nuages, comme l’était la philosophie ancienne, elle semble se proposer une espérance encore plus haute qu’elle ne l’exprime et avoir pour dernier terme ce qui élève bien plus que ce qui abaisse l’humanité. Loin donc de triompher, comme Lucrèce, de la faiblesse de l’homme, de ses souffrances physiques, de son déclin moral, de sa mort successive et complète, elle se plaît à montrer quelque chose au delà de ces ruines qu’elle décrit : « Des mains, dit-il, propres à l’action, sont adaptées au reste du corps ; mais surviennent de rudes accidents qui hébètent l’intelligence. Mortels éphémères ! ayant devant eux le petit lot d’une vie à peine vitale, emportés dans l’air comme la fumée, assurés seulement de la chose où chacun d’eux s’est heurté, et poussés çà et là vers toute chose ! Il est un tout cependant qu’on souhaite de découvrir, bien qu’il soit formé de ce que l’homme ne voit pas, n’entend pas, ne peut saisir par la pensée. Si tu le cherches avec ardeur, il te sera donné d’apprendre jusqu’où peut s’élever la pensée mortelle. »

Cette révélation ainsi promise n’était autre que celle

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