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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

veux, tu ranimeras leur violence. D’un nuage plu vieux et sombre tu feras sortir la chaleur et la lumière : et, sous les ardeurs de l’été, tu feras jaillir des ruisseaux, dont la fraîcheur nourrira d’humides vapeurs les racines des arbres. Tu rappelleras de l’enfer l’âme de l’homme dissous par la mort. »

Hormis le mensonge des dernières paroles, les merveilles dont se vante ici le poëte physicien n’excèdent pas ce que l’observation et, sur quelques points, la prescience des phénomènes de la nature pouvaient lui suggérer de conseils utiles aux laboureurs et aux pâtres de Sicile. Mais à cette divination de l’expérience il voulait joindre un ascendant plus mystérieux, dont le prestige se confondait avec son inspiration même de poëte. En même temps que, dans ses vers, il se donnait pour un être surnaturel, ou du moins pour un être humain rendu de nouveau à la terre, après avoir passé par les cieux, tout son langage recommandait le culte des dieux et le respect de la vertu. Dans son explication des forces vives de la nature, dans son double principe d’affinité et d’antipathie, de réunion et de séparation, d’où il fait sortir l’harmonie et la durée de l’univers, il paraît avoir affecté de combattre ceux qu’on appelait dès lors les athées, et qui réduisaient tout à la matière.

Sans doute, dans quelques vers épars d’Empédocle sur les premières ébauches de création fortuite, on pourrait voir ce panthéisme où, depuis tant de siècles,

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