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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

fut troublé et divisé par une lumière nouvelle, le nom d’Empédocle, les légendes sur sa vie, les prodiges attribués à sa science magique, furent un des secours dont s’étayait l’ancienne croyance. La légende païenne lui attribuait d’avoir dissipé des contagions funestes, ressuscité des morts, et, ce qui était plus vraisemblable, guéri par l’harmonie des mélancoliques et des insensés.

Mais cette renommée posthume, que le déclin superstitieux de la Grèce devait attacher un jour à ce philosophe jugé par Aristote plus physicien que poëte, n’est qu’un témoignage imparfait de l’empire bienfaisant qu’il avait eu, dans l’heureuse civilisation de la Grèce. Nous en avons pour preuve des fragments non douteux de ses ouvrages, ce qu’il dit de soi dans ses vers, et même l’écho qui s’en est prolongé dans les vers de Lucrèce.

Jeté en effet parmi ces villes de Sicile que la fertilité du territoire, le commerce, la liberté, livraient à toutes les corruptions du luxe, il en fut l’habile réformateur. Il ne le fut pas seulement par l’appareil dont il s’entourait, parcourant les campagnes sur un char, aux sons d’une musique préparée pour adoucir et charmer les esprits ; il enseigna dans ses vers la plus haute métaphysique, celle que le polythéisme n’affirmait pas, l’essence immortelle de l’âme, et la plus pure morale, celle que la mythologie démentait par ses profanes exemples. Comme l’école pythagoricienne, et dans les mêmes