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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Il n’y a pas d’homme, en effet, redoutable à la guerre, s’il n’est endurci à regarder le carnage sanglant et s’il n’aspire à serrer de près l’ennemi. Voilà le courage ; voilà le prix le plus grand parmi les hommes, la plus belle gloire à remporter pour le jeune guerrier. Une force publique pour la cité, pour le peuple entier, c’est un homme en avant sur le front du bataillon, n’ayant pas l’idée de la fuite honteuse et jetant au péril son courage et sa vie.

Qu’ainsi ferme à son rang, il excite encore son voisin à mourir ! Voilà l’homme puissant à la guerre ! Bientôt il a renversé les âpres phalanges des ennemis acharnés, et il domine par son ardeur les flots du combat. Lorsque, tombant au premier rang, il a perdu la vie, il comble de gloire la ville, ses concitoyens et son père ; car, à travers la poitrine, le bouclier et la cuirasse, il est percé de coups par devant.

Sur lui gémissent ensemble jeunes et vieux ; et toute la ville, dans un douloureux regret, soigne ses funérailles. Sa tombe et ses enfants restent glorieux parmi les hommes, et les enfants de ses enfants et sa postérité. Jamais ne meurent son noble souvenir ni son nom ; mais, sous la terre qui le couvre, il est immortel celui que, dans le feu de la victoire, de la résistance, du combat pour la patrie et la famille, le terrible Mars a frappé. Que s’il échappe au lot de la mort somnolente, et, vainqueur, emporte l’honneur du