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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

maintint et s’adoucit ; et les pénitents de l’amour, ceux que cette passion conduisait à Leucade, avaient fini par tenter cette épreuve célèbre, avec des secours qui préservaient la vie et ramenaient au rivage la victime guérie de son mal ou de son désespoir.

Des listes de ces suicides ou réels ou apparents se conservaient ; et un scoliaste grec nous en offre encore une, où manque précisément le nom de Sapho. Il n’y a donc plus qu’à douter du dénoûment comme du reste, peut-être, de la vie de Sapho. Vint-elle en Sicile pour y suivre Phaon ? Connut-elle les poëtes dont elle partagea la renommée, Archiloque, Simonide ? Nous l’ignorons ; mais il nous reste à deviner dans de maladroites analyses ou à sentir dans un seul chef-d’œuvre le génie dont elle fut inspirée. Après les élans et les aveux de son propre cœur, ses amours, ses jalousies, elle eut pour sujet de ses vers la louange des dieux, les fêtes de famille de la Grèce, les épithalames, les chants funèbres.

Suivant le témoignage d’un rhéteur, tous les poëtes cédaient à Sapho le soin de célébrer le culte de l’amour. « C’est elle qui prépare et anime la fête, orne de guirlandes la chambre nuptiale[1], dépeint la beauté des jeunes vierges, fait avancer Aphrodite sur le char des Grâces entouré du chœur des Amours, attache avec une tige d’hyacinthe les cheveux de la déesse

  1. Himer. Soph. orat., p. 330.