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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

les processions de jeunes filles qui s’avançaient, en chantant, du rivage au temple de la belle déesse.

Que de maux seront soufferts, que de ruines entassées, que de monuments et d’idées s’écrouleront dans le monde, pour que ces souvenirs soient expiés aux mêmes lieux qui les consacrent, que la pénitence épure cette terre de volupté, qu’une église de martyrs s’élève à la place d’un bocage sacré, et que la prière d’une humble vierge au pied de la croix ou le dévouement de quelque religieux dans un lazaret remplace, aux mêmes lieux, les hymnes chantés à Vénus ! Le monde a vu cette révolution morale, cette dignité croissante de l’être humain ; et il hésite encore à la reconnaître et à la protéger ! La barbarie musulmane accable encore de son ignorante apathie une part de ces îles jadis si brillantes sous l’idolâtrie des arts, et où la civilisation chrétienne, enfin maîtresse, amènerait si vite le progrès moral et le bonheur, comme l’atteste déjà l’exemple des îles Ioniennes, même sous un protectorat sévère et un joug étranger.

Mais recueillons encore quelques parcelles de cette poussière dorée des âges antiques. Sapho fut-elle prêtresse de Vénus ? En fut-elle victime ? et la tradition du rocher de Leucade est-elle un souvenir ou une allégorie ? L’érudition ici, sans pouvoir rien affirmer, a rencontré du moins de curieux détails. Nul doute que la chute de Leucade ne fût un reste des temps barbares, où la Grèce avait eu des sacrifices humains. L’usage se