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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

et, en relevant toute la vertu d’Ajax, il a ordonné, de par le rameau de feuillage, au reste du monde, de se plaire toujours à ses chants inspirés ; car, si quelqu’un dit quelque chose en beaux vers, cette parole, une fois proférée, chemine toujours vivante ; et sur la terre et à travers les mers le rayon de la gloire a marché, sans s’éteindre jamais ! »

Certes, à part même le sublime de l’expression que ma prose n’a pu détruire, il y avait là, sous une date bien antique, tout ce que Boileau voulait revendiquer pour Homère et pour la grande poésie. Si donc, disputant avec Perrault sur Homère et sur les Rapsodes, et lui citant à toute force Vitruve, Élien, et le commentaire d’Eustathe, Boileau n’a pas étourdi son adversaire de cet éclatant témoignage, où l’existence d’Homère est personnifiée dans l’immortalité de ses chants, je suis tenté de croire qu’il ne le connaissait pas, ou l’avait trop peu remarqué. Autrement, diront tous les amis des vers, il l’eût traduit d’enthousiasme ; et il n’eût rien ajouté.

Une autre preuve peut-être que Boileau, qui parfois a si bien compris et rendu le Traité du sublime de Longin avait trop peu étudié le sublime dans Pindare et n’admirait pas assez le génie de ce grand poëte, c’est qu’il a cru de bonne foi l’avoir imité, dans son ode sur la prise de Namur, ville trop tôt reprise par le roi Guillaume, et ode parodiée alors si plaisamment par le poëte anglais Prior, chargé plus tard d’une am-