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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

de sa vie, moins connue que ses vers, il visita l’Égypte, et partagea la fortune d’un frère aventureux comme lui, qui servait dans les armées du roi d’Assyrie.

C’est parmi tant de vicissitudes que le poëte de Lesbos ne cessa d’écrire. Mêlant ses combats, ses naufrages, ses factions, ses amours, il avait composé plusieurs livres de courtes poésies, satiriques par le fond, lyriques par la passion et la forme. Quelques sentiments généreux et purs, quelques nobles élans du cœur, entraient-ils dans cette verve de haine ou cette ivresse de plaisirs ?

On ne saurait en juger au peu qui nous reste ; mais on doit le présumer, sur la renommée du poëte. Dans ses vers d’amour, à part ce qu’il faut rejeter avec dégoût, on ne peut méconnaître autant de grâce que de passion, lorsqu’il s’adresse à la jeune fille aux yeux noirs, au teint sans tache et au doux sourire. Par là, sans doute, il mérita d’être imité de l’antiquité latine, plus que nous ne le savons ; car, si le hasard de quelques petits fragments dispersés, si quelques grains de cette poudre d’or conservés dans les scoliastes, nous offrent tantôt un vers entier, tantôt une image allégorique, tantôt un mot heureux qu’a dérobé l’abeille de Tibur, combien d’autres larcins nous aurait décelés l’œuvre grecque entière, que lisait Horace !

Ce qu’il imita le moins sans doute, et ce qui semble avoir été un des caractères originaux d’Alcée, c’était une hardiesse non plus de mouvement et d’images, mais d’invention dans les hymnes religieux. Évidem-