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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Vénus et l’enfant qui la suit toujours[1]. » Puis ailleurs, lorsque, échappé à un danger de mort, Horace, qui a cru voir de près l’Élysée, y place le belliqueux Alcée, comme Virgile osait y mettre Caton : « De combien peu, dit-il, nous avons failli voir l’empire de la sombre Proserpine, et le tribunal d’Éaque, et les demeures réservées des âmes pieuses, et Sapho sur la lyre éolienne se plaignant des jeunes filles ses compatriotes, et toi aussi, Alcée, redisant plus haut sur ton luth d’or les maux de la tempête, les maux de l’exil, les maux de la guerre ! Ces deux voix qui racontent des choses dignes d’être ouïes dans un mystérieux silence, les ombres les admirent ; mais la foule serrée écoute davantage, et d’une oreille avide, les combats et la défaite des tyrans[2]. »

Cette ardeur inattendue d’Horace, cette préférence qu’il attribue à la foule, même des ombres, pour les vers belliqueux et les cris de guerre d’Alcée, n’est-elle pas un précieux témoignage au moins de la verve du poëte banni de Lesbos, et chantant ses vicissitudes, à mesure qu’il les éprouvait ? Ce tressaillement d’admiration de l’épicurien Horace, cette complicité de faveur pour les bannis de Lesbos, dans celui qui regrette si peu les vaincus de Pharsale, n’est pas une louange vulgaire pour Alcée. En effet, parmi le peu de vers épars qui nous restent de lui, rien de plus éclatant que ses al-

  1. Horat. Od., lib. I, 32.
  2. Id., l. II, 13.