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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Telle était la vie puissante, l’émulation féconde de ces petits États, homogènes et rivaux, qui se multipliaient des côtes maritimes de l’Asie mineure aux campagnes de la Sicile, semblables à ces signaux de flamme que le poëte Eschyle nous montre se succédant et se répétant, des hauteurs du mont Ida au promontoire de Sunium, pour annoncer partout la victoire des Hellènes.

Tout s’explique dans ce prodige, non pas seulement par l’heureuse condition du climat et de la race, mais aussi par les accidents de la vie sociale et par la culture que recevait l’homme. Pourquoi, tout près des côtes riantes d’Asie, Lesbos, cette île de quinze lieues de long et de cinq de large, n’aurait-elle pas été comme une école de poëtes ? Elle était une république ; elle avait des institutions libres, des partis politiques, des guerres civiles ; et, quand elle fut lasse de tant d’épreuves, elle eut pour maîtres, d’abord un sage, puis, longtemps après, le peuple athénien, qui, dans sa victoire, l’admit au partage de ses lois généralement humaines et modérées, et lui rendit plus, en exemples de grandeur, en amour du travail et de la gloire, qu’il ne lui ôtait en stérile indépendance.

Mais, avant cette dernière révolution de Lesbos, liée désormais aux destins d’Athènes et lui donnant son peintre de mœurs, Théophraste, que de passions violentes et frivoles avaient agité cette île, l’avaient remplie de violences et de corruption, sans y diminuer l’éclat