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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

brillant de la Grèce, mais dans l’austère canton de Lacédémone et en vue des pics blancs et glacés du Taygète :

O ubi campi,
Sperchiusque, et virginibus bacchata Lacænis
Taygeta !

« Tout dort cependant, » avait dit le poëte grec, « et les cimes et les gorges des monts, et les promontoires et les ravins, et les plantes et les reptiles que nourrit le sein noir de la terre, et les animaux féroces des montagnes, et la race des abeilles, et les monstres dans les profondeurs de la mer azurée. Elles dorment aussi les tribus des oiseaux qui déployaient leurs ailes[1]. »

Ne suffit-il pas de ce fragment de quelques vers, comme d’un débris d’inscription mutilée, pour donner à l’esprit curieux qui nous lira l’idée de cette poésie perdue ? Quel homme de goût, sur ce peu de mots conservés, ne rêvera pas plus que nous ne saurions dire ? Cette poésie avait dû prendre bien d’autres caractères, toucher bien d’autres sujets, probablement sous cette forme lyrique ou gnomique, mais toujours concise, qui, ce semble, était le mieux assortie à l’esprit sévère et occupé de Sparte.

  1. Εὔδουσιν δ’ὀρνέων κορυφαί τε καὶ φάραγγες,
    πρώονές τε καὶ χαράδραι,
    φῦλά τε ἕρπετὰ θ’ ὄσσα τρέφει μέλαινα γαῖα,
    θῆρές ὀρεσκῷοι τε καὶ γένος μελισσᾶν
    καὶ κνώδαλ’ ἐν βένθεσσι πορφυρέης ἁλός·
    εὕδουσιν δ’ οἰωνῶν φῦλα τανυπτερύγων.

    Poet. lyr. græc., ed. Bergk, p. 549.