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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

celui qui fit entendre dans cette rude et guerrière cité la seule harmonie que permettaient ses magistrats, était Lydien de naissance et semblait apporter à Lacédémone, vers le milieu du septième siècle avant notre ère, un art dont la ville de Lycurgue aurait du se défier.

On sait quelle était, dans l’antiquité, la renommée des mœurs lydiennes et la douceur efféminée du mode musical auquel la Lydie donnait son nom. Sans doute Alcman, esclave étranger venu de Lydie, ou né d’une Lydienne dans la maison du Spartiate Agésilas, en gardant de son origine le goût et le charme de l’art, sut y mêler l’accent qui plaisait aux âmes belliqueuses de Sparte. Les fragments parvenus jusqu’à nous attestent du moins l’emploi de quelques formes du dialecte laconien, plus âpre que les autres idiomes de la Grèce ; mais on s’étonne d’y trouver, dans les sujets choisis par le poëte, bien des choses qui contredisent les traditions adoptées sur Lacédémone. On se demande comment des allusions peu philosophiques, non pas même aux plaisirs de la médiocrité dorée, mais aux excès du luxe, pouvaient se mêler à des chants accueillis dans cette société sobre et pauvre, d’où Lycurgue avait banni jusqu’aux métaux précieux.

On s’étonne que, par opposition au brouet noir de Sparte, Alcman recommande des mets recherchés et des vins délicieux, comme pourrait le faire Archestrate ou tel autre des beaux esprits alexandrins cités par Athénée. Apparemment, le poëte eut deux époques dans