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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

une autre ville de Macédoine. Voilà ce que Pausanias, au second siècle de notre ère, entendait raconter par son hôte de Larisse. Lui-même ajoute, en prenant à témoin les curieux amateurs de l’ancienne poésie, qu’il restait d’Orphée des hymnes très-courts et en petit nombre. « Les Lycomèdes, dit-il, les savent par cœur et les chantent dans les sacrifices. Ces hymnes, pour l’élégance des vers, ne sauraient venir qu’après ceux d’Homère ; mais ils leur sont supérieurs pour le caractère religieux[1]. »

Cela même peut expliquer la renommée singulière d’Orphée et cette gloire poétique, sans ouvrages qui la consacrent. Mystérieuse, quoique populaire, elle se conservait dans le souvenir de quelques familles sacerdotales ; et plus tard elle se renouvela, en se chargeant de vers apocryphes, selon le goût et le génie du temps.

Dans la réalité, ce qui donne quelque prix à cette fiction, c’est qu’elle dément le cours ordinaire des choses, quant à l’origine de la poésie. Ce n’est pas d’un point septentrional de l’Europe, mais des côtes de l’Asie, que la poésie était venue dans la Grèce avec les chants d’Homère. Selon toute vraisemblance, elle continua de venir du même côté. On peut en donner pour preuve les premiers vers lyriques de l’idiome dorien, sous une date certaine. Alcman, le maître de la lyre à Sparte,

  1. Pausan. Bœot., c. XXX.