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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

peuple artiste de la Grèce pour le génie qui le charmait, Archiloque, malgré la licence de sa vie et de ses vers, eut un nom honoré des hommes et des dieux, selon le langage païen.

Ce nom continua de vivre dans la mémoire poétique de la Grèce, souvent blâmé par les philosophes, mais cité, chanté dans toutes les fêtes : et, lorsque la Grèce libre et parlant à la tribune et sur le théâtre eut cessé, lorsque sa langue et son génie ne furent plus qu’un luxe de cour et une étude de cabinet dans Alexandrie et les villes grecques d’Asie, nul monument de l’art antique ne fut plus imité, plus commenté que le hardi génie d’Archiloque.

Sa licence s’oublia, devant son art profond de langage ; on le médita comme Pindare et comme Homère lui-même ; et, dans cette riche série de modèles que le génie grec, à ses âges divers, offrit au goût laborieux des Romains, il fut l’objet de l’émulation des plus habiles. Horace se pénétra de cette poésie hasardeuse et correcte, ardente et philosophique, dont il avait peut-être entendu les refrains, aux jours de sa studieuse jeunesse dans Athènes, et qu’il retrouvait partout célébrée, d’Aristote aux critiques d’Alexandrie. Nul doute qu’il ne lui ait emprunté souvent de ces inventions de langage, de ces grâces originales qui sont le charme d’une poésie savante et pourtant naturelle.

Avec la différence des temps, la modération de désir recommandée par le fougueux satirique de Paros sert