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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

parole chrétienne, ait fait tort, même auprès des imaginations les plus savantes, à la poésie du chantre de Thèbes. Naturellement, ce n’est pas lui, mais Moïse, David, Isaïe et tout le chœur des prophètes, que prit pour modèles Racine, si harmonieux lyrique, mais n’osant pas imiter la grande poésie d’Athènes jusqu’à porter sur notre théâtre, même dans les sujets grecs, avec la mélopée tragique, les intermèdes chantés de Sophocle et d’Euripide. Plus tard, quand Boileau, par esprit général de dévouement à l’antiquité, mais avec plus de foi que d’amour, voulut venger Pindare des plaisanteries et des contre-sens de Perrault, il fit cette bonne œuvre d’une manière un peu timide, un peu faible. À ses yeux, « les beautés de ce poëte consistent principalement dans le nombre, dans l’arrangement des paroles. » Il s’extasie, au début de la première olympique sur « tant de sublimes figures qui s’y trouvent réunies[1], la métaphore, l’apostrophe, la métonymie, » et définit Pindare « un génie qui, pour mieux entrer dans la raison, sort de la raison même. »

Au fond, il paraîtrait ne le goûter qu’à demi, l’admirer surtout par respect humain, et peut-être ne l’avoir pas lu tout entier ; car, dans la suite de ses réponses à Perrault sur la controverse homérique, il n’emprunte rien, ni pour l’histoire conjecturale des

  1. Boileau, Réflexions sur Longin, t. II, p. 263.