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tière, en ne souffrant pas que le droit politique soit juge des citoyens, et que les intérêts privés puissent jamais craindre une autre puissance que le droit civil ; avantage qui est au fond ce que la liberté même renferme de meilleur mais aussi ce qu’elle seule peut irrévocablement assurer.

Il restait à fixer les conditions générales et nécessaires de la loi, à montrer ce qu’elle doit être dans la volonté du législateur et dans la forme qu’elle en reçoit ; comment elle peut quelquefois tromper la main qui l’écrit, et revenir contre l’intention de son auteur ; comment elle doit être changée quand ses motifs n’existent plus ; comment les lois diffèrent quelquefois malgré leur ressemblance. Montesquieu n’a prescrit qu’une règle pour la composition des lois ; et cette règle renferme tout son ouvrage. L’esprit de modération, dit-il, celui du législateur.

En effet, la loi n’est que le supplément de la modération qui manque aux hommes. La loi a tellement besoin d’être impartiale, que le législateur lui-même doit l’être, pour ne pas laisser dans son ouvrage l’empreinte de ses passions.

Ces principes généraux, avec quelle érudition pénétrante Montesquieu ne les a-t-il point appliqués à l’examen d’une partie de cette législation romaine, qui a survécu si longtemps à l’empire qu’elle n’avait pu sauver, et qui servant de passage entre le monde ancien et le monde moderne, a empêché que, dans le naufrage de la civilisation, la justice ne vînt à périr ! Avec une érudition plus étonnante encore, il entre dans le chaos de ces lois barbares qui avaient envahi l’Europe, et établi tant d’usages féroces sur les ruines de la sagesse romaine. Comme il le dit lui-même dans son langage allégorique, il voit les lois féodales telles qu’un chêne immense qui s’élève et domine. Animé d’une incroyable patience, il creuse