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indiqué par l’auteur présente une idée qui forme ellemême partie d’un système de gouvernement, comme tous les gouvernements avec leurs effets et leurs causes entrent dans l’histoire générale des lois. Si dans ce labyrinthe le fil se brise quelquefois jamais le flambeau ne s’éteint ; le philosophe avance, et se fait jour à travers les obstacles qu’il amasse et les routes qu’il semble confondre, jusqu’au moment où la lumière d’une seule idée vient rétablir l’ordre partout.

Quoique les lois agissent sur les mœurs, elles en dépendent. Ainsi Montesquieu corrige toujours par quelque vérité nouvelle une première pensée qui ne paraissait excessive que parce qu’on la voyait seule. La nature et le climat dominent presque exclusivement les peuples sauvages ; les peuples civilisés obéissent aux influences morales. La plus invincible de toutes, c’est l’esprit général d’une nation ; il n’est au pouvoir de personne de le changer ; il agit sur ceux qui voudraient le méconnaître ; il fait les lois ou les rend inutiles : les lois ne peuvent l’attaquer, parce que ce sont deux puissances d’une nature diverse ; il ne peut être modifié que par le temps et l’exemple ; il échappe ou résiste à tout le reste.

Ce que la morale réprouve n’est pas toujours un vice politique. Il y a des défauts que le législateur doit ménager comme d’heureux accidents de la nature. La vanité, si flexible quand on la flatte la vanité qui s’enchaîne par les concessions qu’elle obtient, la vanité, de toutes les passions la plus irritable et la plus facile à satisfaire, est un excellent ressort pour le gouvernement. L’orgueil varie dans ses effets, suivant qu’il tient au caractère seul, ou qu’il est secondé par la dignité des institutions. Chez l’Espagnol, il est le plus grand ennemi de l’activité sociale, et ne produit qu’une superbe insouciance. Chez l’Anglais, il devient le patriotisme même.