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bourreaux. La monarchie place trois degrés entre le coupable et la peine : la précision de la loi, l’indépendance des juges, et la clémence du souverain. Le principe de chaque gouvernement s’altère et se détruit par la perte des lois civiles qui le soutenaient. La république, où la législation est toute morale, périt par la ruine des mœurs ; les mœurs, par l’agrandissement de l’État. La monarchie, fondée sur l’honneur, se corrompt par la servitude et l’intérêt, les deux plus grands ennemis de l’honneur. Le despotisme n’a d’autre corruption que l’excès de sa puissance. A force d’avoir perfectionné la terreur, principe de son pouvoir, il est détruit par elle.

Quand on a considéré ces trois gouvernements qui se partagent le monde, il faut les voir dans leurs rapports mutuels, la paix, la guerre et la conquête. C’est ici que Montesquieu unit la politique la plus haute à cette justice qui paraît sublime, lorsqu’elle s’applique aux intérêts des peuples avec la même simplicité qu’aux intérêts privés. La guerre et les conquérants, ce funeste et incorrigible désordre des sociétés humaines, passent sous les yeux du législateur, qui comprend que les lois ne furent jamais dans un plus grand péril, et qui veut qu’elles soient assez fortes pour résister à la victoire. Cependant il reconnaît des conquérants qui ont stipulé pour le genre humain. Entendez-le parler d’Alexandre il découvre de nouveaux points de vue dans une grandeur si anciennement admirée ; par la plus difficile de toutes les épreuves, il décompose la gloire et le génie de son héros, de manière qu’un semblable éloge ajoute quelque chose à l’idée que donne le nom même d’Alexandre.

Ces lois que Montesquieu conserve et fait prévaloir jusqu’au milieu de la conquête, il les suit bientôt dans leur plus noble application, dans celle qui dépend le plus des pays et des peuples, la liberté politique et la liberté