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Le gouvernement le plus convenable à chaque peuple est le plus conforme à la nature ; et, comme la durée prouve la convenance, cette maxime si libre est un gage de repos. Le philosophe admet tous les pouvoirs, et conçoit tous les systèmes politiques. L’Esprit des Lois est comme ce temple romain qui donnait l’hospitalité à tous les dieux du monde idolâtre.

Elles seront sans doute retracées avec complaisance, ces belles institutions de la Grèce, où chaque homme se croyait libre, parce qu’il concourait à gouverner les autres ; mais elles paraîtront nées de tant d’heureux hasards, limitées par tant de conditions, achetées par tant d’efforts et même d’injustices, que l’admiration nous préservera de l’exemple.

Suivant la méthode des anciens législateurs, Montesquieu placera l’éducation à la base de l’édifice social ; et cette vérité expliquera les républiques anciennes et les monarchies, en montrant d’un côté cette éducation unique et dominante par ses singularités mêmes, qui prenait le citoyen au berceau pour lui imprimer les sentiments et les opinions de toute sa vie ; et, d’une part, ces deux éducations contradictoires, où l’homme oublie les principes qu’avait reçus l’enfant, où les idées du monde doivent remplacer les leçons de l’école ; première différence dont les suites se conservent partout ; qui, donnant aux anciens plus d’indépendance politique, leur imposait plus d’assujettissement personnel, et substituait la gêne des coutumes à celle de l’autorité ; comme si les hommes avaient toujours besoin d’obéir, comme si la liberté elle-même n’était qu’une certaine forme d’obéissance. De là naîtra cette vertu[1] que Montesquieu réser-

  1. On a beaucoup attaqué cette vertu que Montesquieu donnait pour attribut aux républiques. Il est manifeste qu’il s’agit moins ici