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que, pouvant tout renvoyer à Dieu dont il interprétait la volonté, Bossuet a cependant tout expliqué par la force des institutions et le génie des hommes.

Montesquieu adopte le plan tracé par Bossuet, et se charge de le remplir, sans y jeter d’autre intérêt que celui des événements et des caractères. Il y a sans doute plus de grandeur apparente dans la rapide esquisse de Bossuet, qui ne fait des Romains qu’un épisode de l’histoire du monde, Rome se montre plus étonnante dans Montesquieu, qui ne voit qu’elle au milieu de l’univers. Les deux écrivains expliquent sa grandeur et sa chute. L’un a saisi quelques traits primitifs avec une force qui lui donne la gloire de l’invention ; l’autre, en réunissant tous les détails, a découvert des causes invisibles jusqu’à lui ; il a rassemblé, comparé, opposé les faits avec cette sagacité laborieuse moins admirable qu’une première vue de génie, mais qui donne des résultats plus certains et plus justes, L’un et l’autre ont porté la concision aussi loin qu’elle peut aller, car, dans un espace très-court, Bossuet a saisi toutes les grandes idées ; et Montesquieu n’a oublié aucun fait qui pût donner matière à une pensée. Se hâtant de placer et d’enchaîner une foule de réflexions et de souvenirs, il n’a pas un moment pour les affectations du bel esprit et du faux goût ; et la brièveté le force à la perfection. Bossuet, plus négligé, se contente d’être quelquefois sublime. Montesquieu, qui, dans son système, donne de l’importance a tous les faits, les exprime tous avec soin et son style est aussi achevé que naturel et rapide.

Quelle est l’inspiration qui peut ainsi soutenir et régler la force d’un homme de génie ? C’est une conviction lentement fortifiée par l’étude ; c’est le sentiment de la vérité découverte. Montesquieu a pénétré tout le génie de la république romaine. Quelle connaissance des mœurs et des lois ! Les événements se trouvent expliqués par les