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tien des intérêts civils, à la sainteté des contrats, à l’équité des échanges, à la perfection de la vie sociale, c’est-à-dire au respect de tous les droits consacrés par elle. Les images des vertus privées, les douces peintures d’une condition parée de l’innocence viennent orner le tableau, pour ajouter à cette première leçon, qui place dans la vertu des citoyens la force de l’État, une autre leçon trop oubliée ; c’est que la morale des familles fait les citoyens, et maintient ou remplace les lois. Vérités naïves, au delà desquelles n’auraient pas dû remonter les hardis investigateurs qui, voulant creuser jusqu’aux racines de l’arbre social, l’ont renversé dans l’abîme qu’ils avaient ouvert !

Cette sagesse d’application et de principes que Montesquieu devait porter dans l’histoire des intérêts civils, dans la théorie des lois établies, il l’annonce, il s’y prépare, pour ainsi dire, par d’ingénieuses allégories ; et sa politique romanesque est plus raisonnable et plus attentive à la vérité des choses que la politique sérieuse de beaucoup d’écrivains célèbres. On sent que dominé par un esprit juste et observateur, lors même qu’il se livre à des écarts d’imagination, il ne peut oublier la réalité des événements, et des mœurs qu’il a longtemps étudiées. Veut-il, dans l’épisode des Troglodytes, peindre la perfection idéale de la vie humaine : il n’essaye pas, comme Rousseau, d’exagérer l’abrutissante liberté de la vie sauvage ; il trace le tableau embelli de l’homme en société : et ce tableau, malgré l’éclat des couleurs, ressemble à quelques années de bonheur et de vertu que l’on trouverait éparses dans les annales des républiques naissantes ; mais, en décrivant cette vertueuse félicité, il la montre prête à finir ; et cet aveu est le dernier trait ajouté à la vraisemblance historique.

Essaye-t-il une seconde peinture du bonheur social :