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Cependant cet examen trop vanté ne fait-il pas soupçonner qu’à cette époque le goût de l’Académie était encore plus imparfait que le génie de Corneille ? Cette critique est impartiale et sincère ; mais Corneille avait besoin de former son siècle, avant d’y trouver des juges. Le siècle de Louis XIV vit éclore beaucoup de libelles. Il y avait tant de grands hommes ! Boileau parut, et sans long examen, avec de bonnes plaisanteries et de bons vers, il décrédita les mauvais écrivains, qui presque tous se vengèrent en se faisant mauvais critiques. Boileau fut le réformateur de son siècle ; il appuya sa doctrine de ses exemples ; voilà ce qui fit sa puissance. Son style était encore plus redoutable que ses épigrammes. Il écrasait doublement les poètes médiocres : il n’avait pas besoin de compter leurs fautes ; il écrivait ses vers. Cependant cette critique impartiale et raisonnée, qui détaille les défauts et rend justice aux beautés, n’était pas encore née. Bayle l’exerça sur l’érudition bien plus que sur le goût, sans amertume et sans passion, avec un esprit supérieur et modéré. Du reste, les hommes de génie n’avaient que le temps d’imaginer et de produire ; et les talents secondaires, dans le premier étonnement où les jetaient tant de créations nouvelles, savaient à peine les admirer, quand ils ne les enviaient pas. C’est depuis le siècle de Louis XIV que la critique a dû naître, pour ainsi dire, du développement de toutes les autres facultés littéraires ; comme nous voyons, dans l’étude de la nature, les progrès des différentes sciences en produire quelquefois une nouvelle, qui doit son existence à la perfection des autres.

Lorsque la critique est devenue nécessairement un genre de littérature, souvent ceux qui l’exerçaient n’ont pas respecté dans les autres un titre qu’ils portaient eux-mêmes. lis semblaient oublier que la justice et la vérité sont la loi commune de tout écrivain, et que celui qui