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ment impossible ou d’anéantir l’un, ou de faire durer l’autre.

Le nom de critique est un terme d’une vaste étendue, qui renferme des idées très-éloignées l’une de l’autre. Aristote et Zoïle, Fénelon et Scudéry, Voltaire et Desfontaines sont des critiques. ! Il est naturel en effet, que la médiocrité envieuse ait cherché de tout temps à médire des talents et des arts ; et que le génie impartial ait senti le besoin de les juger. Ainsi, le plus hardi penseur de l’antiquité, le plus ancien peintre de la nature, Aristote, traça les principes de l’éloquence, censura les fautes des poëtes, et marqua les limites de la raison et du goût, comme il avait fixé les principes et les lois des sociétés. Le consul romain qui ne connaissait, après la gloire du patriotisme, que celle de l’éloquence et des lettres, écrivit sur les secrets de cet art dont il était le modèle[1], instruisit ses contemporains, et jugea ses rivaux qu’il avait effacés[2].

Ces hommes élèvent la critique au niveau de leurs pensées : ils font disparaître toutes les différences qui séparent l’art de juger du talent de produire, ou plutôt, par la force involontaire de leur génie, ils portent une espèce de création dans l’examen des beaux-arts ; ils ont l’air d’inventer ce qu’ils observent. Quintilien s’est approché de ces grands maîtres. A leur exemple il éclaire par la philosophie les principes de l’art oratoire : son goût le fait juge des écrivains supérieurs, son style le fait leur rival. Quintilien et Longin semblent animés de cette émulation ; leurs éloges sont des luttes contre ceux qu’ilq admirent ; et leur propre éloquence un hommage de plus pour les grands hommes, qu’ils ne peuvent célébrer

  1. Orator. — De oratore.
  2. De claris oratoribus.