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leurs détracteurs. Mais une censure impartiale triomphe des critiques passionnées : elle distingue et place les hommes ; elle détruit l’imposture des réputations ; elle épargne au talent supérieur ces concurrences inégales et ces rivalités factices auxquelles on voudrait toujours le rabaisser ; elle répand, elle autorise les leçons du goût ; elle prépare des instructions aux successeurs des grands modèles. Ainsi, la critique, dans ses abus ou dans ses avantages, touche de si près a la littérature, qu’elle se confond avec elle ; et, lorsqu’on essaie d’en fixer le caractère, d’en rappeler les devoirs, au milieu de cette enceinte, où retentit tant de fois l’éloge des grands écrivains, ne semble-t-il pas que, par une succession naturelle, on discute la commune des lettres, après avoir célébré les talents divers dont elles ont reçu leur plus belle gloire ? Dans ce difficile examen, la bienséance et l’éloignement de toute passion m’interdisent cette amère vivacité qui donne des ennemis et des lecteurs ; mais, si je suis modéré jusqu’à la froideur, peut-être j’en aurai plus souvent raison ; et c’est un avantage qu’il ne faut pas trop négliger.

Si l’on remontait à l’origine de la critique, peut-être s’étonnerait on que quelques hommes se substituent d’eux-mêmes au public, décident en sa place et en son nom, et raisonnent avec autorité sur les impressions que doit éprouver l’esprit d’autrui ; mais, comme cette usurpation est ancienne, supposons qu’elle est devenue légitime. Souvent la critique attaque l’homme de talent et vante les mauvais écrivains ; souvent, par ses censures ou par ses éloges, elle trompe le goût publie qu’elle devrait avertir ; mais une vérité consolante qu’il faut rappeler avant tout, c’est la puissance d’un bon livre, puissance a laquelle on ne peut comparer qu’une seule chose, l’incurable faiblesse d’un mauvais livre ; puisqu’il est égale-