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mêmes questions sur lesquelles Pascal s’était joué d’abord et qu’il avait comme épuisées par la plaisanterie, il les reprend, il les renouvelle par le sérieux et la colère, au point de faire bien regretter à ses ennemis ce style railleur dont ils s’étaient plaints d’abord. Maintenant il ulcère, il déchire les premières blessures de l’amour-propre humilié. Ces odieuses doctrines sur l’homicide, qu’il avait presque ménagées en ne les couvrant que de mépris, il les attaque corps à corps, avec toute la puissance d’une dialectique inexorable, comme un crime contre l’État, l’Église, la nature et la piété. Sa véhémence semble s’accroître en poursuivant un autre délit trop commun dans tous les temps de divisions et de partis, la calomnie, cet assassinat moral dont ses adversaires avaient fait et un fréquent usage et une naïve apologie, deux choses qui se corrigent l’une l’autre, mais ne se rachètent pas. Dans cette controverse, Pascal semble quelquefois se l’approcher d’une véhémence plus injurieuse que chrétienne. En repoussant la calomnie, il prodigue l’insulte. Son âme généreuse, profondément indignée du malheur de ses amis, ne peut plus modérer ses paroles. Fort de son génie, de son ressentiment, et du mystère qui couvrait encore son nom, il s’écrie, en s’adressant à tous ses adversaires : « Vous vous sentez frappés par une main invisible ; vous essayez en vain de m’attaquer en la personne de ceux auxquels vous me croyez uni. Je ne vous crains ni pour moi ni pour aucun autre. Tout le crédit que vous pouvez avoir est inutile à mon égard. Je n’espère rien du monde je n’en appréhende rien ; je n’en veux rien. Je n’ai besoin, par la grâce de Dieu, ni du bien ni de l’autorité de personne. Ainsi, mes Pères, j’échappe à toutes vos prises. »

Faut-il s’étonner que, dans cette situation si haute, et la seule qui fût digne de lui, Pascal se soit emporté jus-