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même temps qu’ils rient ou s’indignent de la faiblesse commune.

Pascal avait achevé ses dix premières lettres : Arnauld était défendu, vengé. Son apologiste avait porté la guerre dans le camp de ses ennemis ; et l’exposition rapide, plaisante, familière des principes erronés de leurs docteurs sur les questions morales, avait égayé le public et frappé la puissante société de la plaie du ridicule. Ce fut alors que la discussion s’agrandit, et que Pascal changea, pour ainsi dire, de génie. Les jésuites, occupés surtout de faire interdire et supprimer les écrits de ce dangereux contradicteur, essayaient cependant de les réfuter ; mais avec peu d’art, peu de logique, comme des gens déconcertés par la surprise d’une attaque si hardie. Il faut l’avouer d’ailleurs, la Société n’avait pas alors dans son sein les hommes célèbres qui l’ont illustrée. Bourdaloue n’était point connu, et n’avait pas encore appris sa puissante dialectique dans Pascal lui-même. Les défenseurs de la Société, faibles, maladroits, outrageux et pourtant illisibles, ne servaient qu’à irriter le génie de son terrible adversaire. Ce fut en leur répondant que, sous cette forme de simples lettres, Pascal atteignit sans effort à la plus haute éloquence de la logique et de la colère. Vous avez lu cent fois le passage où Pascal, après avoir décrit avec une admirable énergie la longue et étrange guerre de la violence et de la vérité, deux puissances, dit-il, qui ne peuvent rien l’une sur l’autre, prédit cependant le triomphe de la vérité, parce qu’elle est éternelle et puissante comme Dieu même. Démosthènes, Chrysostome ou Bossuet, inspirés par la tribune, ont-ils rien de plus fort et de plus sublime que ces paroles jetées à la fin d’une lettre polémique ?

Cette grande éloquence est le ton naturel des dernières Provinciales. Tout y est amer, véhément, passionné. Ces