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dans le domaine de l’intelligence, et ceux qui réclament l’exercice naturel et libre de la raison : c’est la querelle de Socrate et d’Anytus, des philosophes stoïciens et des empereurs, de. Henri IV et de la ligue, des Hollandais et de Philippe II. Spéculative, religieuse, politique, littéraire, cette controverse se modifie, se transforme, s’agrandit ou s’abaisse au gré de mille hasards, de mille accidents de la civilisation ou des mœurs mais elle subsiste toujours, elle tient à la dignité même de notre nature, à ce noble privilége qui fait que dans l’homme la pensée est le premier, le plus précieux bien qu’on veuille envahir et que l’on puisse défendre.

Dans cette lutte éternelle, les solitaires de Port-Royal, en paraissant ne discuter que des subtilités scolastiques, représentaient la liberté de conscience, l’esprit d’examen, l’amour de la justice et de la vérité. Leurs adversaires plaidaient la cause opposée, celle de la domination aveugle sur les esprits et sur les âmes. Pascal fut indigné du joug que de telles doctrines imposaient à la raison. La hauteur de son génie refusa de plier sous cette insolente usurpation des plus nobles facultés de l’homme vainement réfugié dans le sanctuaire de la conscience et de la foi. Il voyait ses vertueux amis se livrer avec un zèle opiniàtre à des études profondes sur les origines et les monuments de la religion : il les voyait résignés, solitaires, humbles d’une véritable humilité, craignant de trouver l’ambition dans le sacerdoce, et préférant la persécution, comme aux premiers jours du christianisme. La société des jésuites, au contraire, était menaçante, accréditée, distribuait la faveur ou la disgrâce, et s’acharnait à poursuivre de calomnies et de lettres d’exil[1] quelques hommes savants, religieux, irréprochables, qui n’avaient d’autre tort que de

  1. Mémoires de Port-Royal, par Fontaine.