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Quand la pensée ne peut s’occuper des grands intérêts de patrie et de liberté, quand elle est privée, pour ainsi dire, de l’existence publique, il lui reste cependant encore de nobles sources d’inspiration. Ce sont les émotions intimes de l’âme et les hautes vues de la nature. C’est l’amour de la vérité spéculative. Pascal puisait à cette source sublime il en tira son éloquence. Le bon goût, le mépris des faux ornements et de la vaine rhétorique naquirent pour lui de la grandeur des objets, dont il avait occupé son intelligence. L’originalité le suivit de la géométrie dans les lettres : il inventa son langage, comme il avait trouvé les principes des sciences, sous une loi éternelle de justesse et de vérité. Peut-être s’il eût reçu de la nature une imagination moins vive, il l’aurait pour jamais éteinte dans la froideur des études abstraites. Mais un esprit tel que le sien, loin de céder à la géométrie, lui enleva cette vigueur de déduction et ces raisonnements irrésistibles, qui devinrent les armes de sa parole.

Combien l’esprit de Pascal dut-il encore s’animer dans l’entretien de ces illustres solitaires, qu’il allait surpasser et défendre ! Je sais qu’il est facile de refuser son admiration à des vertus qui ne sont plus d’usage, à des talents qui n’ont laissé qu’un souvenir. Aujourd’hui le plus beau titre de Port-Royal est d’avoir été l’école de Racine. On ne lit plus Nicole, Hermant, Sacy. La gloire d’Arnauld, est un problème : ses querelles paraissent un ridicule. Cependant les esprits les plus éclairés d’un siècle poli ont étudié avec admiration ces auteurs si dédaignés ; et Louis XIV a fait lutter sa politique et sa puissance contre la fermeté de quelques théologiens. Port-Royal avait donc une grandeur réelle, attestée par la persécution, comme par l’enthousiasme.

Au commencement d’une époque où la religion devait briller de toutes les splendeurs des arts et du génie,